Une rencontre inopinée [PV Elisa!]

Cheshire. Cher Cheshire si seul, du haut de ton arbre, crois-tu encore son arrivée possible ?

Assoupi sur une des nombreuses branches de son arbre, Chester semblait si paisible. Il rêvait encore d’elle, de son âme sœur, de la seule qui n’alimente d’avantage son animosité. La seule capable d’apaiser son esprit malin.

« Mais ce n’est pas encore l’heure très cher ami, je ne peux vous rejoindre, d’ailleurs je ne vous rejoindrais pas. Jamais. »

Malgré la douceur de ses traits, ses gestes amplis d’amour, et sa voix ne trahissant aucun sombre sentiment, elle prononça les mots qu’il redoutait tant. Soudain son visage, affichant une gaieté sans pareille il y a quelques secondes, se transforma, exprimant de par ce rictus si déplaisant une douleur si vive que ce maudit cauchemar le sortit de sa torpeur. Son souffle à présent saccadé résonnait aux alentours. Encore un rêve qui trahissait ses angoisses permanentes. Pourquoi donc était-il si tourmenté ces derniers temps ? Etait-ce du aux visites de moins en moins fréquentes du lapin blanc ? Ou bien redoutait-il le chapelier, qu’il pensait toujours si près, aux aguets, épiant chacun de ses actes, attendant sagement le moindre faux pas qui lui donnerait le feu vert pour alerter celui pour qui il se donne tant de mal à gâcher l’existence ? Ou bien douterait-il des sentiments de sa compagne ? Chester savait pourtant bien à quel point il était aimé de celle-ci. Leur amour était réciproque, il le savait, il le sentait.
Un léger craquement dispersa ses morbides pensées. La branche n’avait pas résisté aux furtifs mouvements du félin. Lui si gracieux, souple et léger d’ordinaire avait maladroitement fêlé un des précieux membres de sa belle maison verdoyante. Avec la plus grande prudence, il traversa le bout de bois de tout son large, en prenant garde à ne pas l’abîmer d’avantage, et se percha deux branches plus bas, testant avant de s’installer confortablement la rigidité et la solidité de la nouvelle élue. Tout semblait s’être bien déroulé, seulement, dans son opération délicate, il venait de déchirer son Tee-shirt. Son beau Tee-shirt. Son préféré, avec ses si belles rayures violines et beige aux couleurs de son indomptable queue. Quel gâchis. Néanmoins son précieux bagui olive délavé n’avait pas l’air, lui, touché par ce désastre.
C’était une première pour ce chat. Si habile, il avait contre toutes attentes déchiré son vêtement fétiche. Le comble pour un félin quoi. Cela prouvait à quel point il était perturbé. Non pas que notre hybride ne sois pas totalement dérangé en son fond intérieur, mais de là à attenter à son physique ! J’en fais un peu trop ? Ce n’est qu’une simple égratignure ? Oui mais, quand bien même ce ne serait que la plus futile des broutilles qui puisse arriver à n’importe qui, à lui, ça n’arrive jamais. Enfin, ce n’était jamais arrivé.
Ce petit désagrément n’eut pour effet que d’attiser sa colère. Enfin, c’est l’effet que cela aurait du avoir sur lui. Au lieu de quoi il restait perplexe, s’allongeant avec lenteur, adoptant la position dans laquelle il resterait des heures durant.

*Serait-ce un signe ?* Pensait-il. Un signe de quoi ? Un malheureux morceau de tissu s’est détaché, et alors ? Ce n’était ni de la porcelaine, ni un miroir brisé, pas de quoi en faire un drame. Mais notre ami s’était déjà éloigné vers d’autres horizons mentaux, à des lieues de notre univers.

Cependant, un second bruit inopportun retenti, à l’instant même où Cheshire laissa balancer son bras droit à quelques mètres au dessus du sol.

Belle journée pour se perdre en forêt, ne trouvez-vous pas ? Quoique je ne peux même pas juger du temps et de la couleur du ciel tant la végétation est envahissante, ici bas. Ces arbres me paraissent si grands, si imposants ! J’ai l’impression d’être aussi petite qu’une créature rampante. Cette forêt ne me dit rien qui vaille…

Bon sang, on se remet d’aplomb ! Je suis une femme, nom de dieu ! Je suis courageuse. Je marche déterminée. Ce chemin sombre et angoissant ne m’intimide pas le moins du monde. Je suis ravie de m’être perdue dans cette forêt monstrueuse.
…non, je ne peux pas aller aussi loin. Où suis-je donc tombée ? Quelle idée de marcher droit devant moi ! Cela m’apprendra à jouer l’impulsive, je vous jure. Je suis certaine que perdue dans cet immense enclos de faune et de flore, personne ne viendra à mon secours si une bête affreuse m’attaque. Je saurais me défendre, évidemment ! Mais je ne suis pas certaine d’en réchapper indemne… A l’aide ? Quelqu’un ?

Ouh, je file un mauvais coton ces derniers temps ! Cette belle peste de cœur m’a fait perdre toute assurance. Où est donc passée ma fierté de femme ? Je suis une croqueuse d’hommes, voyons ! Je n’appartiens à personne. L’amour ne me fera plus plier face au monde ; plus jamais, qu’on se le dise. Par contre, je ne jure pas de ne pas pleurer encore une ou deux fois… Que voulez-vous, même la femme la plus hargneuse du monde possède ses propres faiblesses.

Ma faiblesse s’appelait Miwako. Elle était la plus belle faiblesse au monde, une de celle qui vous fait sourire malgré les coups qu’elle vous afflige. Son deuil est encore frais dans mon cœur. J’aurai beau tenter de recoudre les plaies, elles demeureront toujours sanglantes.
Viendra un jour où son souvenir ne me fera plus souffrir. Le temps sera mon plus fidèle allier…et mes amants le plus bel oubli. Maintenant que je suis de nouveau délaissée, je redeviens celle que j’ai toujours été ; Elisabeth, maîtresse insoumise du péché de chair.

Ma belle m’a abandonné. Le mal est fait. Je n’ai pas à faire d’effort pour devenir meilleure. Je n’aurai qu’à me taire et à sourire ; ainsi le monde s’en portera bien mieux.
J’ai beau dire, je demeure mélancolique. Oui, tout s’effacera un jour. Mais ce jour est encore bien lointain…alors, pour le moment, je n’ai qu’à marcher et à chanter. Peut-être pour oublier. Peut-être pour camoufler le bruit déchirant de mes sanglots. Qu’importe la raison, cela fait fichtrement souffrir !
Entre deux larmes, je commence doucement à chanter ; ce n’est pas comme si quelqu’un pouvait m’entendre.

Des fois je me dis je vais voyager
Parfois j'ai envie de rester là
Souvent j'ai envie de t'embrasser
C'est rare quand j'souhaite que tu ne sois pas là !
Elle est vieille mon histoire,
J'suis pas la première à penser ça…
Tu sais quoi ?
On va quand même faire comme ça
On va cracher nos souhaits, on va donner de la voix !
Et toi donne-moi, donne…
A dire qu'on est un peu radin,
‘Faudrait se donner un peu d'espoir.
C'est pas facile de savoir pourquoi,
Pas facile, pas possible de compter sur soi…

Je dois me l’avouer, je ne suis pas joyeuse pour un sou. Peut-être ma tristesse va-t-elle lasser le monde ? Peut-être vais-je me retrouver indéfiniment seule ? J’ai peur, ma belle, j’ai peur… Pourquoi m’as-tu laissé ?

CLAC

Et voilà ! C’est la cerise sur ce fichu gâteau ! Je viens de casser mon deuxième talon…je n’en peux plus de jouer à être forte. Les apparences me tuent. Je ne sais même plus quel visage offrir au monde. Je suis perdue, sans elle ! Elle a fait de moi une marionnette. Je ne sais même plus me débrouiller toute seule… Je suis pitoyable.

Mes yeux se brouillent. Je discerne difficilement un…arbre, parmi tant d’autres. Je crois pourtant que celui-ci est bien plus gros que les autres ! Il est magnifique. Majestueux, comme un maitre de la forêt toute entière ! Ses branches ploient lourdement vers le sol, comme si elles cherchaient à embrasser la terre. Un nouvel amour impossible, mes pauvres…
Je m’assois à son pied. Je retire mon escarpin droit pour constater qu’il est en aussi piteux état que le gauche. Et bien ! Je marcherais nus pieds ! J’ai connu pire, comme châtiment.

Et si je dormais quelques instants ? J’en suis incapable, à coup sûr. Et puis, le moment n’est pas enclin à la rêverie ! Il faut que je trouve un moyen de quitter cette forêt. Elle m’assombrit les pensées…
Distraitement, je lève les yeux vers le ciel caché. Une forme remue dans les branches. Un oiseau ? Non, ses gestes sont plus caressants, presque félins…
Oh, mais oui ! C’est un joli chat ! Je parie qu’il est tout doux au touché… Je le veux dans mes bras, maintenant, et tout de suite !

« Minou, minou…allez, minou ! Descends me voir ! Je ne te ferai aucun mal, je te le promets. Minou, minou ! »

Je me suis redressée sur la pointe des pieds comme pour l’atteindre. Je suis définitivement trop petite sans mes talons ! Je tente un sourire pour l’appâter. Un câlin de ce chat me réchauffera la cœur, j’en suis convaincue !

[HRP : Je suis sincèrement désolée de te répondre aussi tard…mais les circonstances ont joué contre moi. Tu me pardonne, mon minou ? Je tiens à préciser qu’Eli est au pied de l’arbre, et que pour le moment elle ne te voit que comme un chat, d’aussi haut. A toi de jouer là-dessus ! Bisous~]

Promenons-nous dans les bois ♪ ...

Dans un délicat silence, Chester entreprit de bayer aux corneilles. Attention, il ne baillait pas. Rien à voir. Sa rêverie était telle qu'il n'aperçut même pas la présence d'une jeune femme. Une jeune femme loin d'être discrète d'ailleurs. Non seulement elle ne marchait pas sans faire de bruit, mais en plus, le bruit des feuilles que ses pieds écrasaient étaient une désagréable torture pour des oreilles aussi fragiles que celle de Chester. Et pourtant. Et pourtant rien ne le sortait de son monde. C'est comme s'il se complaisait dans sa tourmente. Dans son cercle vicieux où les mêmes questions revenaient sans cesse - Où est-elle? Que fait-elle? Comment va-t-elle? - Et toujours aucune réponse. Et il savait que pour l'instant il n'y en aurait pas de sitôt. Mais comment pourrait-il empêcher cette douce torture s'emparer de son âme? Tout son être gracile tournoyant délicatement au gré du vent, ses éclats de rire aussi cristalin que le bruit de l'eau pure, ses parfaites oreilles d'un blanc immaculé. Un crac. Deux cracs. Un morceau d'écorce araché. Une griffe cassée. Une larme de sang. Une larme de sel. Le silence.

Et une chanson, une voix. Un voix agaçante, mais délivrante. Une oreille à l'affût, sa queue s'immobilisa, et son bras disparu. Il ne pendait plus dans le vide. Un coup d'oeil trois mètres plus bas et une tache rouge apparut. Une femme vetû de la tête au pied de rouge. Mais blanche. Si blanche qu'il en vînt à se remémorer un vive douleur siègeant au coeur de sa poitrine. Une image, un regard, une silhouette, des mots. Du plus profond de son être il ferma les yeux, jusqu'à en avoir mal. Des taches sans couleur définie parsemaient sa vision. Brusquement il réouvrit les yeux, et dans une torpeur incontrôlée perdit l'équilibre. Dans un dernier geste inespéré il réussit à se raccrocher à sa branche, et, pendant désormais de tout son long dans le vide, il se balança d'avant en arrière, ses griffes bien plantées dans l'écorce. Dans un mouvement rotatif, il lâcha prise, effectua un saltau avant digne des plus grands sportifs et atterrit parfaitement sur une branche voisine, bien plus épaisse que les autres, qui n'a en aucun cas ployée sous son poid de félin. Il soupira de soulagement, chose tout à fait inhabituelle, avant de se rendre compte que l'écarlate lui adressait la parole. Et étrangement, il entra dans une colère noire. Cette prétentieuse osait le prendre pour un vulgaire chat errant! N'avait-elle donc jamais eu vent des exploit du plus terrible des félins de ce monde?! The Mischievous Cat, l'odieux, l'espiègle, le malicieux.

Mon ange, si tu venais...
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Le jeu, la méchanceté, rien de tel pour une petite dose d'autosatisfaction. Pour oublier le tout. Pour se perdre encore plus loin. Toujours plus. Jusqu'au jour où elle viendra l'arrêter, Où elle viendra le sauver ou mettre fin à ses jours. Toujours est-il qu'il fallait bien satisfaire cette dame, et souhaitant de tout coeur satisfaire sa demande, il va descendre la voir. Lui tenir compagnie. La tourmenter quelque peu. Dans un soupçon de malice, il laissa entrapercevoir le bout de sa queue, puis disparu de l'arbre. Sans bruit, il se planta derrière elle, et au vu de sa grande taille, il décida de pencher sa tête juste derrière sa chevelure couleur brasier. Dans un soupir, il fit bouger quelques mèches de ses cheveux, espèrant une réaction brusque, un rictus de peur, et, pour soupoudrer le tout, déforma son visage pour ne laisser apparant que de grand yeux ronds et un long sourire agrémenté de belles dents pointues.

"Bonjour chère enfant. Plutôt, bonsoir. Ou bon matin? Quel jour sommes-nous? Vous m'attendiez? J'aime le chocolat, mais le chocolat lui, ne m'aime pas. Pourquoi? Et vous, saviez-vous que des hommes gravissent des montagnes de ce côté-ci tandis que de l'autre, des montagnes gravissent des hommes? Reine de coeur sans coeur, vous a volé le vôtre. Quel dommage."

Sans attendre la moindre réponse, il disparut, se cachant à quelque mètre de là.

Mon cœur insensé, fou sur cette nouvelle terre, inviolé jusqu’alors…
L’animal vient de disparaître. Peut-être l’ai-je apeuré ? Joli félin, reviens donc par ici ! Ne me laisse pas toi aussi seule, ce serait vraiment très égoïste, tu sais ? Quoiqu’à voir mon état malheureux, on a vite fait de prendre peur… Je dépoussière distraitement ma robe, cherchant encore du regard mon nouvel ami le Chat. Tous ceux de ce monde sont-ils nés sans cœur ? Un petit geste de gentillesse, ce n’est tout de même point trop demander.

Un nouveau froissement de feuilles, un timide coup d’œil, un souffle dans mes cheveux éparses, comme un écho de piano usé par le temps et les sentiments, et voilà que la scène prend un goût de surréalisme lorsqu’apparaît face à moi l’être des grands arbres.
Me voici bien idiote à confondre un homme avec un chat ! Mais quel monde tout de même que de se pavaner avec ces oreilles et cette queue de poil. Est-ce moi ou ses yeux sont étrangement grands pour quelqu’un de normalement constitués ? Et ses dents me semblent bien trop aiguisées pour m’être amicales… Mon dieu, sur quel énergumène suis-je encore tombée ?! A la simple pensée de ce fou de Chapelier, un frisson me parcourt l’échine et je glapis d’effroi. Ce que ces drôles de gens sont détestables par moment !

Il déblatère un flot de mots sans queue ni tête comme s’il lui était venu en tête de boire un thé ensorcelé. Sont-ils tous aussi fous, par ici ? Il prononce alors le nom de cette satanée Reine sans Cœur, et déjà je vois en cet homme-là un ennemi.

Que feras-tu quand la pluie te tombera au coin du museau ? Je changerai, te dis-je.
Il disparaît une nouvelle fois, magicien de la flore environnante, maître de ses terres : oui, je regrette d’être arrivée ici. Me veut-il le moindre mal ? Que diable, ne voit-il pas que j’ai assez souffert comme cela ?! Ce que les hommes, hybrides ou non, sont fripons et mesquins ! Qu’il le dise si ma compagnie lui déplait, je tâcherai de me faire plus discrète.

« Es-tu un esprit farceur de la forêt ? As-tu bu un thé de ce fou de Chapelier ? As-tu un semblant de raison ? Pour tout te dire, je te trouve bien désagréable pour un Chat. Peut-être est-ce ton côté sauvage qui te pousse à te comporter ainsi…mais, je t’en prie, ne te joue pas de moi. Je n’ai ni le cœur ni l’âme à jouer à de telles mesquineries. Comme tu l’as énoncé, la Reine de Cœur me rend bien triste, mais ce n’est point mon cœur qu’elle déroba : ce fut ma liberté. C’est auprès de sa servante que je trouvai l’Amour mais…l’Amour, lui, ne la trouva point. »

J’ai la désagréable sensation de me parler à moi-même, tant le silence me renvoie la force de mes paroles. Je contemple une nouvelle fois ce magnifique arbre qui épouse la terre avec solennité, songeant qu’il existe bien des merveilles dans un tel univers torturé.

« Si l’ennui vous fait défaut, nous pourrions converser quelques instants, pour nous occuper l’esprit et donner un peu de vie à cet endroit. Vous semblez bien seul… Avez-vous jamais connu l’Amour ? »

Faisant un nouveau pas vers l’Arbre, j’enlace son écorce meurtri et songe à mon impolitesse.

« Excusez-moi, je suis bien trop curieuse. Cet arbre porte-t-il un nom ? A l’entendre battre, il semble bien triste lui aussi... »

Moments volés, et délicate enfant : c’est la fin d’un monde, certainement pas du nôtre.
Une branche à ma portée attire mon regard : puisqu’il joue aux acrobates, je pourrais très bien le suivre dans ses pitreries. Ce sera toujours plus plaisant que de garder les pieds sur terre, à y songer.
D’une prise maladroite, je me hisse avec peine sur la branche heureusement assez vigoureuse pour soutenir mon poids de femme. Debout sur mes deux pieds, je tiens d’un équilibre précaire sur ce bout d’arbre écorché. Mais, manquant de tomber, je me retrouve allongée sur la branche, mal assurée. Cherchant compagnie, j’hurle alors :

« Chat, comment te nommes-tu ? »

Attendant quelques réponses, je reste solidement accrochée à ma branche, déterminée à montrer de quoi je suis capable.

Tu le regretteras, mais pour l'instant, déblatérons.

Chester enregistra avec désinvolture chaque mot prononcés par son interlocutrice. A la fin de sa tirade ennuyeuse, il ne put réprimer un soupir, ce qui dévoila sa position. Il s'était de nouveau perché sur une branche à quelques mètres du sol, le tout en silence. Allongé sur le ventre, il avait placé sa tête sur son bras gauche replié, tandis qu'il grattait l'écorce avec sa main droite. Certes, il ne s'était pas attendu à telle réaction, et il ne pu s'empêcher d'être déçu. Il aurait aimé la voir sursauter de surprise, étouffer un hoquet de peur, et devenir curieuse de sa condition. Car il faut toujours s'inquièter pour son devenir après avoir rencontré une créature de la forêt, notemment lorsque l'on est un enfant perdu. Pas assez de questions, et trop d'affirmations à son goût. Sa seule satisfaction résidait dans le fait qu'il avait vu juste en ce qui concernait la jeune femme. Elle avait un lien avec cette peste de reine de coeur. Il en avait parlé car être toute de rouge vêtu était loin d'être ordinaire. Et cela lui avait rappelé cette folle furieuse encastré dans son château non loin de là. Amour hein. Il va t'en donner lui de l'amour tu vas sentir ta douleur. Non bon, façon de parler.
Et en plus elle osait vouloir dicter son comportement. Et le critiquer. Mais jamais telle effrontée il n'avait encore connue. Mais elle aussi avait connu la peine de coeur. Curieux, ou peut être compatissant, il se redressa voulant lui adresser de nouveau la parole. Mais il n'en n'eut pas l'occasion, l'écarlate préférera continuer son monologue. Et préféra encore lui parler d'amour. Mais pourquoi cette sensation ne le quittait-elle jamais? Et pourquoi fallait-elle qu'elle lui pose des question concernant cela? Pourquoi ne faisait-elle pas comme tout le monde et demandait simplement son chemin afin de rejoindre l'autre côté du pays des merveilles?

Sa colère grandissant, il s'appreta à lui rendre sévèrement la monnaie sa pièce, mais elle eut l'intelligence de s'excuser avant qu'il n'ait le temps d'entammer quoique ce soit. A sa question il ne répondit pas. L'hybride la trouvait vide sens, et sans aucune importance. Depuis quand donnait-on aux arbres des noms? C'était une chose bien bête de penser que cela se faisait. Jean-paul, Broulouy, Kalan? Non mais franchement. Ou peut-être voulait-elle parler de la race de l'arbre... Oui, ça devait être ça. A trop réfléchir, lui aussi entamait des résonnements inutiles et idiots. Cet arbre. Oui cet arbre. Il ne pouvait porter que ce nom. En plus c'était un séquoia. Ca allait de soi voyons. Son regard rivé vers l'inconnue, remarquant qu'elle enlaçait tendrement son plus fidèle pilier, il répondit sans se rendre compte, d'une voix se voulant monotone:

"Yggdrasil. C'est un séquoia d'une centaine de mètre. La tristesse ne se transfère pas. Pourquoi penser que parce qu'on est triste, tout ce qui nous entoure l'est? Nous sommes seuls dans le malheur, fais-toi à l'idée."

C'était surement la première fois qu'il parlait normalement à une enfant perdue. Etrange sensation au creux de l'estomac. Etrange ressentiment. Etrange tout simplement.
Etrange spéctacle. Sous ses yeux, elle se permit de grimper à son arbre. Non sans aucun mal, ce qui ne pu empêcher un léger sourire en coin, un petit peu trop mesquin d'ailleurs. Et comme chaque humain, elle faillit de peu redescendre aussi sec, en faisant une chute aussi peu spéctaculaire qu'un escargot se drécrochant d'une vitre. Mais qui aurait pu se terminer dans la douleur. Et bizarrement, le fait qu'elle soit saine et sauve le rassura. Manquerait plus qu'un humain braillant s'être cassé la jambe se retrouve au pied de son arbre. Mais sa position déclancha chez lui une réaction pardoxale; rire sans retenue, sans arrière pensée, devant un inconnu ne lui était tout bonnement jamais arrivé. Et pourtant, la voir en si piteux état, s'accrochant à la branche,- alors que pour lui marcher à cloche pied dessus sans peur aucune de tomber était naturel- était d'un comique à son goût. Mauvais peut être, son goût. Mais bon. Cependant qu'il riait, la larme à l'oeil, elle lui demanda son nom. Voulait-elle tant converser? Et n'avait-elle vraiment jamais entendu parler de lui? C'est alors qu'il préféra faire son taquin, et ne souhaitant aucunement répondre, il rétorqua malicieusement:

"Je ne vois pas en quel honneur je te livrerais mon nom. Et toi?"

Il se doutait de la réaction future de son interlocutrice. Elle allait surement lui répondre la même chose que lui, énervée de sa moquerie, et de ces enfantillages. Mais son nom ne l'interrèssait point. C'est alors que dans un agile tour, il se retrouva en un rien de temps à ses côtés, accroupi, juste devant sa tête de braise, un sourire aux lèvres, un air trop moqueur surement. Vu sa position, il était facile deviner qu'elle était loin d'être alaise. Alors, dans la plus hypocrite des tentatives, il rajouta sans rien laisser paraître:

"Voudrais-tu, dans le plus grand des hasard, avoir recourt à mon aide?"

Cette réplique serait surement fatale pour elle, et il ne doutait en aucun cas qu'elle voudrait quitter les lieux dans les minutes suivantes. Et ce serait tant mieux. Retourne te morfondre loin d'ici, qu'il puisse se morfondre non loin de là.

Ressens-tu ce changement soudain ? Ce n’est rien d’autre que ta faute. Souviens t’en bien…
Une voix s’élève, sombre, me rétorquant que le malheur n’est que solitude. Oh, mon mignon ! Ce n’est pas parce que tu sais grimper aux arbres que tu peux apprendre les choses de la vie à une femme comme moi ! Pour ce qui est de l’Amour et de ses conséquences, j’ai probablement plus d’expérience que le plus vieux des sages. Ne fais donc pas ainsi ton malin ! Je ne suis pas aussi idiote que j’en ai l’air, sois en sûr.
Les feuilles murmurent un rire : semblable à celui de cette reine sans cœur qui s’amuse du malheur des autres, calquant l’air suffisant de celui de ce fou de Chapelier. Quelle est la vraie nature de cet être volatile ? Un mélange des pires horreurs de ce monde, ou une espèce réinventée pour terrifier les enfants trop curieux ? Ma position m’empêchant bien des choses, je reste esclave des sons et attend un quelconque indice sur sa position.

Monsieur joue les capricieux et ne désire en aucun cas me délivrer son nom. Quel manque de courtoisie ! Voici un chat à qui il faudrait apprendre les règles de politesse. Côtoie-il si peu de monde pour être aussi aigri ? Quelle tristesse que de voir ses jeunes traits marqués de méchanceté… Il me rappelle cette adorable Casey qui ne savait plus rire ni pleurer.
Que ce monde est triste !

Le Chat réapparait face à moi, faisant dangereusement tanguer la branche, et m’adresse un sourire à vous glacer d’effroi. Cherche-t-il donc à m’impressionner ? Il est donc bien mal tombé ! Après avoir combattu la reine de Cœur et ses soldats, goûté aux horribles thés de ce Chapelier givré et survécu par mes seuls moyens à travers ce monde sans pitié, rien ne plus m’effrayer !
Il me demande si son aide peut m’intéresser. Mais quel toupet ! Ouh, le vilain petit félin, il va voir de quel bois je me chauffe !

« Sache, satané chat malpoli, que je nomme Elisabeth Millor ! Et n’oublie jamais ce nom, veux-tu ? Ce n’est point ton sourire méchant et tes manières d’enfant gâté qui me feront peur ! Garde donc ta précieuse aide pour quelqu’un d’autre et laisse-moi gentiment dans mon coin si ma présence t’importune. Ygeu…Ygi…Yg’dré…bref, cet arbre tolère ma présence ! Et sais-tu pourquoi ? Car je m’intéresse aussi aux sentiments des autres, contrairement à toi. Ne fais donc pas ainsi le fier…je suis certaine que tu es loin d’être aussi mesquin, en réalité. »

Cherchant –vainement- à intimider mon interlocuteur, je me redresse sur la branche et me raccroche in extremis à une autre, plus rigide encore, et m’y hisse avec grande peine. Je m’assois alors, après m’être assurée que la place était sûre, et m’exclame à l’attention de mon drôle d’ami :

« Ne sous-estime pas la volonté d’une femme. Et cesse de te prendre pour ce que tu n’es pas. »

Je t’ai tout enseigné…tout, sauf la façon de t’en sortir.
Impulsive par nature, je lui tire la langue sans réfléchir durement à cet acte. Que diable ! A quoi cela sert-il de déclarer sur ma bravoure et mon assurance si je lui offre l’occasion de rire de moi quelques secondes plus tard ? On ne change pas les grands maladroits, il faut croire.

« Que dirais-tu de cesser de jouer la défensive ? Je ne te demande en aucun cas de devenir mon ami, mais pourquoi ne pas passer un bon moment tous les deux ? Sans la moindre ambigüité, aucune. »

Pour soutenir mes paroles, je lui adresse mon plus beau sourire auquel personne ne résista jamais : alors, mon minou, prêt à être apprivoisé ?

Le vent souffle, ne l'entends-tu pas? C'est de mauvais augure.

Audacieuse, prétencieuse et naïve. Cela aurait pu lui être fatal. Mais étant donné les circonstances il ne fit que lui rire au nez. Sans once de méchanceté néanmoins. Elisabeth Millor hein. Non, il n'oubliera pas.
Cet arbre acceptait sa présence? Mais quel drôle de personnage était-ce pour avoir de telles pensées! Et puis, avoir de l'interêt pour les sentiments des autres n'était pas forcément une qualité. Ne l'avait-elle pas dit elle-même?

"Je vous croyais curieuse plus qu'interressée. Et la curiosité est un très vilain défaut n'est-ce pas?"

Et fier il était. Même très fier. Alors qu'elle n'avait même pas réeussit à prononcer correctement Yggdrasil, elle osait décrire sa personnalité, et remettre en cause l'un des pilier de celle-ci: sa mesquinnerie. En voilà bien des manières pour une femme qui reproche le manque de politesse de Chester. Décidément, elle ne manquait pas de l'étonner. Soit elle était courageuse, franche et maladroite, soit idiote et inconsciente. Elle aurait du craindre les pires représailles du monde. Et pourtant, elle résussit à surmonter sa difficulté à tenir en équilibre et prolongea même l'exploit; elle prit place nonchalamment sur autre branche. Aurait-elle été son ami qu'il lui aurait tiré son chapeau. Mais il n'avait pas d'ami, et elle était loin de le devenir. Et la voilà qui déblatéra des propos on ne peu plus féministe, et pour assaisonner le tout, lui donna un ordre. Mais pour qui se prenait-elle?! Croyait-elle vraiment qu'il s'amusait à se faire passer pour ce qu'il n'était pas? Tout cela était légèrement plus compliqué qu'en apparence. Certes, dans le sens premier, c'est ce qu'il faisait. Mais il aimait se comporter comme cela, et se conduire de cette manière faisait désormais partie intégrante de sa personne. La seule chose qui différait c'était quand et avec qui il se comportait comme ça. Donc il ne se prenait pas pour ce qu'il n'était pas. Il était. Tout simplement.

Contrarié par sa dernière réplique, il prit un air féroce, leva la tête et... La vit lui faire une grimace. Amusé, il ne pu réprimer un sourire. He bien, à croire que les rôles étaient inversés. Habituellement, il surprenait les passants. Cette fois-ci, c'était cette Elisabeth qui arrivait à le surprendre. De plus, au lieu de trouver ça agaçant, il trouvait cela drôle. Malheureusement, elle trouva le moyen de casser son impulsif rictus en envoyant un nouveau flot de mot à ses oreilles. Lui, jouer sur la défensive? Il ne faisait juste que se demander pourquoi il devrait lui offrir le droit de poser un nom sur son visage. Alors qu'elle n'avait fait que l'appeler successivement "minou" et "chat", lui ne lui avait jamais donné le moindre surnom. Et en plus elle se permettait de sourire. De nouveau énervé il rétorqua spontanément:

"Tu te donnes en spectacle. Tu te permet de m'appeller "minou" et "chat", et tu me trouve malpoli? Tu es à toi seule un lot de contradictions. En plus tu remets en cause ma personnalité. Ne serait-ce pas toi la malpolie?"

Les hostilités étaient lancées. Non mais franchement, pour qui se prenait-elle? De quel droit la regardait-il de haut et se permettait de le juger?! Il n'avait certainement pas vécu pareil humiliation depuis... jamais à vrai dire. Trop agacer à la vue d'une telle éfrontée, il préfèra se terrer en contrebat, dans un creu du tronc, préparant froidement sa vengeance. Ou même, ne préparant pas froidement sa vengeance. Et si il décidait simplement de l'ignorer? Quand bien même, tout ce qu'il attendrait c'est qu'elle arrive à descendre seule. Il décida donc d'attendre sagement, qu'après s'être ennuyer ferme elle veuille redescendre. Vu l'état de ses chaussures, l'atterrissage risquait d'être plus remarquable que ses belles paroles.

Je pense que je peux toucher les étoiles sans ton aide.
D’où peut bien venir l’expression « meubler le silence » ? Le silence est un concept abstrait, impalpable : d’où peut-on bien l’habiller d’un mobilier ? Si l’on prend l’expression dans son sens métaphorique, les meubles seraient les mots prononcés. Mais le silence n’est-il pas dénué de paroles ? Cette expression est un bien étrange paradoxe, à y songer. Cela reviendrait donc à rompre le silence ? Mais meubler a pour signification l’ajout, non pas la suppression de ce qu’il complète. De ce fait, le silence étoffé serait réduit à l’inexistence… J’ai beau y réfléchir de toute ma tête, cette expression est bien étrange ! Peut-être a-t-elle été inventée par ce fou de Chapelier ?
Oh, mais tais-toi donc Elisabeth ! Le chat parle…

…retournons plutôt à nos pensées conflictuelles, voulez-vous ? Ses paroles ont la drôle de façon de blesser mon cœur tout en m’humiliant sans d’autre issue que le rouge aux joues. Hélas ! Ses paroles me rendent coupable, et je ne sais plus que dire, frissonnante et perdue face à cette réalité toute complète.
Ainsi donc, j’ai été malpolie ? Le maître des hautes branches a bien raison. J’ai manqué de tact, de gentillesse, et bien plus de courtoisie. Fichue Elisabeth…à croire que je prends les choses à l’envers, dans ce monde-ci. Est-ce ma façon de penser comme il se doit qui fausse mes jugements dans ce monde retourné ? Ou bien suis-je retournée moi-même à l’origine de ma personne ?

Quoiqu’il en soit, j’ai manqué de respect à cette personne. Et cela, même face au plus détestable des personnages, et une lourde faute pour une dame de ma trempe.
Chante au futur de demain : tu es l’enfant du passé, et tu viens le sauver.

« Je suis sincèrement désolée de vous avoir offensée. Vous avez raison, ce fut moi la plus méprisante de cet échange. Trop sûre de moi-même, peut-être, je m’y suis male prise. Je vous prie, monsieur, d’accepter mes excuses les plus franches. »

Je me sens idiote. Lui se terre au pied de l’arbre, visiblement contrarié. Quel triste enfant gâté… Qu’y puis-je ! Cet homme-là ne veut pas de ma compagnie et j’ai été quelque peu désobligeante à son égard. Soit ! S’il préfère broncher dans son coin, je ne peux plus rien pour lui.
J’aurai au moins essayé d’être complaisante dans ma maladresse.

« Allez, on y va ! »

Agrippant une nouvelle branche, je parviens plus facilement à m’élever. Mais la prise, trop mince, se brise sous mon poids, et je me retrouve le derrière sur les talons. Me massant douloureusement les reins, j’entreprends de me redresser au moyen d’une autre branche accessible.

« Bel arbre, toi non plus tu n’aimes pas le silence de la solitude ? Je vais donc te conter une histoire, pour faire passer le temps à mes côtés : notre ami étant bien décider à me bouder. »

Je parviens, aux moyens de grands efforts, à surmonter les branches les unes après les autres. Et, au fil de mon ascension, je parsème l’air tiède de bouts de conte de fée.

« Il était une fois une belle princesse rose qui jouait du piano. Esclave d’une très vilain reine, elle détestait tout et n’importe qui : elle pouvait même être violente, tu sais ? Mais un jour qu’elle se dirigeait vers sa boîte à sons, la pièce à musique du château voisin, elle retrouva une petite poupée toute rapiécée qui chantait et pleurait. Elle découvrit que le son de son piano la faisait danser : éprise par la magie de cet évènement, elle chérit cette poupée au prix de grands sacrifices. Sa Reine vit cet amour d’un très mauvais œil…et tout se finit mal. Très mal. »

Me stoppant quelques instants pour reprendre mon souffle, je m’adosse à l’écorce et murmure contre le bois usé :

« Cette poupée, c’était moi. »

Mais l’arbre ne me répondit pas. Lasse de parler au vent, je me décide à renouer la conversation avec mon ancien compagnon en m’exclamant dans les feuillages :

« Le ciel est-il le plus beau, là-haut ? »

Carnaval de sentiments brouillons et de mots décousus…chut, elle dort encore au dessus.
Je ne suis pas encore prête à rejoindre le sommet. Mais j’ai la détermination d’y parvenir ; et ce n’est pas rien, n’est-ce-pas ? Peut-être que si j’arrive à atteindre ce sommet, j’arriverai à réussir plus de bonnes choses dans cette vie. Peut-être arriverai-je même à mieux m’adresser aux chats-homme vexés.

Redoutable jour où tout s'est brisé.
Foo Fighters - Everlong ♪

Mais alors qu'il se complaisait dans sa pseudo vengence, attendant sagement qu'elle dégringole spectaculairement de l'arbre, Elisabeth fit une chose à laquelle il ne s'attendait pas. Absolument pas. Des excuses. Il est vrai que pour le coup, il en méritait. De son côté, il en devait aussi. Mais ne comptrez pas là dessus, jamais il ira s'excuser auprès d'une autre que sa bien aimée. Il savoura les douces paroles de l'écarlate qu'il considèra comme une victoire. Allez savoir, son côté puérile ressortait bien plus dans ses moment là... Bien sûr, c'était impensable qu'il lui rétorque mot. Vous rappellez vous qu'il avait prévu de l'ignorer? Mais il n'y a que les imbéciles qui ne change pas d'avis. On conclura donc que ne pas répondre franchement aux excuses de la demoiselle aura été son utilme victoire. Et les gamineries s'arrêterons là. Mais, visiblement décidée à lui offrir quelque chose d'encore plus savoureux que des excuse à moitié mérités, elle entreprit de monter plus haut dans l'arbre. Magnifique. Car comme vous pouvez l'imaginez, elle s'écrasa lourdement quelque branche plus bas. Certes, elle ne tomba pas au sol, ce qui fût presque regrettable. Mais comme dit précedemment, la dernière chose que Chester voulait était d'une humaine braillant s'être cassé un membre au pied de son arbre. Malheureusement, à la suite de cet accident, elle souhaita déblatérer quelque ineptie imaginaire à un être vivant incappable ni d'écouter, et encore moins de répondre. Non sans provoquer Cheshire quelque peu, mais rien de méchant.
Sa réplique fit monter en lui une légère honte étrangement désagréable. Il avait la ferme impression de passer pour le pire des gamins, ce qui était, cela va sans dire, assez humiliant pour quelqu'un de son âge. Non pas qu'il soit vieux, mais l'adolescence était bel et bien finit pour lui. Il était temps d'en sortir.

Home sweet home. Memories, please doesn't come back.
Limp Bizkit - Behind Blue Eyes ♪

Il sortit illico de son trou, tandis que la jeune femme gravissait les hauteurs. Elle se remettait vite d'aplomb. Alors elle conta. Une histoire triste à faire pleurer le premier venue à la larme facile. Ce ne fut pas le cas de notre hybride. Mais, redressant une oreille, il écouta attentivement, n'esquissant plus un geste. Une poupeé. Voilà une histoire bien étrange. Cette femme était une poupée? Ou bien était-ce là une tournure métaphorique? Dans tout les cas elle venait de dévoiler une partie de son histoire. Et lui, qui d'habitude était insensible aux racontards du moindre passant, avait écouté. Sa curiosité s'était réveillé. Peut être était-ce à cause de l'origine de ce sombre passée. L'amour. Le sacrifice. Ou bien simplement car la reine de coeur en faisait partie. Car ça ne pouvait être qu'elle, n'est-ce pas? Quoiqu'il en soit, il reprit son ascension, et s'interrogea sur les dernières paroles de son interlocutrice. Oui, elle s'adressait à lui. A qui d'autre? A l'arbre? Elle n'était pas assez bête pour poser des question à un végétal. Du moins l'espèrait-il.

Le ciel hein. Cette chose magnifique ou toute la vie se résume. Cette chose qui semble changer au gré de son humeur. Cette chose grise quand il est triste, bleue quand il est de bonne humeur, ou le vent souffle lorsque sa colère gronde, amenant la pluie pour camoufler ses propres pleurs. Ce ciel que l'on ne peut voir qu'au sommet de cet arbre. C'est alors que lui vint une idée. Elle n'apréciera surement pas, et cela sera le résultat escompté, dans le cas contraire tant pis. Au moins, il ne répondra pas oralement à sa question. Il l'a décidé, il ne répondra pas à ses interrogations. Elle en a perdu le droit. Ou ne l'a jamais obtenu. Depuis quand répondait-il au questions aussi simplement de toutes manières? En un rien de temps, il arriva à sa hauteur, la surprenant peut être car rien n'ayant trahi sa présence on aurait pu l'être. Ingénieusement, il s'empara de sa taille sans qu'elle ne puisse se débattre, la jetta délicatement sur son épaule afin de ne pas se faire mal et grimpa bien plus haut dans son repère. La position d'Elisabeth, plus communément appellée la position "sac à patate", ne devait pas être des plus confortable. Et Chester ne se réjouissant pas le moins du monde de cette nouvelle proximité, il atteint le sommet avec un rapidité qu'il n'avait jamais atteinte jusque là. A travers le feuillage si abondant qu'il ne laissait jamais passer un rayon de lumière, ce fut une surprise de voir une couleur si vive qu'elle lui en fit mal aux yeux. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas emmergé de cette végétation. Comme il restait encore quelques branches assez solides, il posa son fardeau à proximité, ne sait-on jamais, au vu de sa réaction, elle pouvait décider de sauter.
Néanmoins, son objectif était atteint. Il avait élucider sa question sans avoir besoin de lui répondre. Après l'avoir fait se cramponer au tronc, il s'assit, un genou replié près de son torse et l'autre jambe flottant dans le vide. Il admira le ciel avant de lui rétorquer malicieusement:

"Ce ciel est d'un bleu, c'en est époustouflant."

Mais curieux d'en savoir plus son histoire que de prolonger ses taquineries, il continua plus sérieusement, d'un ton presque solonel s'il n'était pas gorgé d'amertume et de mépris:

"Cette reine, c'était la reine de coeur hein?"

Je me demande ce qu’elle fait en se réveillant… Ma douce, douce fleur de lithium.
Le cœur léger, je continue mon ascension, bien laborieuse au premier abord, mais des plus passionnantes à mon regard. Je crois que j’ai rarement été aussi heureuse dans ce pays de malices ; et si le bonheur résidait en un arbre attentif ? Quelle drôle d’idée ! Trouver un compagnon en un végétal, certes magnifique, mais non doué de parole…tu touches le fond, Elisabeth, en as-tu conscience ?
Hélas, oui. Mais je ne relâcherai pas mes efforts, et j’atteindrai ce sommet quoiqu’il m’en coûte ! Je veux savoir de quel couleur est ce ciel-là, si de là-haut il m’est possible de voir le plus bel océan, si une fois cette épreuve franchie, je saurai être plus forte. Du nerf, que diable !

Et ce satané chat qui ne daigne me répondre… Il y a des gens à qui la solitude sied à merveille ; et cet homme-là semble se complaire dans son triste isolement. Eh bien, pour ma part, je ne pourrais me satisfaire à une telle condition de vie ! Même accompagnée du plus noble des arbres ou du plus beau des cieux… Je suis femme à avoir de la compagnie. Ou bien je ne…

Mais que m’arrive-t-il, bon dieu ?!

Ouh, ce vilain félin, comment ose-t-il poser ses sales pattes sur moi ? De quel droit se permet-il d’agir ainsi ? Sans mots, sans délicatesse ? De quel droit se permet-il de me perdre pour un vulgaire…sac à patates ?! Que diable ! Cet énergumène est un vrai démon, lorsqu’il s’y met !
Relâche-moi donc ou je crie au meurtre !

Il semblerait que monsieur-je-puis-tout-me-permettre-sans-l-avis-de-personne est entendu mes pensées, car il s’arrête enfin, me reposant sans délicatesse sur un bout de tronc. Ouh, je te retiens toi ! D’où te permets-tu de te jouer ainsi de moi ? Je ne serai plus complaisante, plus jamais : m’entends-tu bien ?
Sans avoir le temps de pouvoir lui faire part de ma façon de penser, il me déclare que le ciel est d’un bleu à faire pâlir bien des mers. Du moins, sa façon de le dire ne peut faire penser d’une autre manière que celle-ci… Je m’adoucis en admirant à ces côtés ce ciel qui, ma foi, n’a rien à envier aux plus belles beautés. Il est…splendide, comme irréel. Suis-je en train de rêver ?

Ce matin idyllique que j’ai passé à tes côtés, dis-moi, était-il aussi cher à tes yeux ?
Je m’accorde un sourire face à ce fascinant tableau : ce que la vue est belle ! Jamais je n’avais pu auparavant poser un regard d’ensemble sur ce monde de merveilles. Il paraît si paisible, si magnifique vu d’en haut… Qui pourrait croire qu’on y croise des cartes de cœur armées et des chapeliers fous ? Loin des activités farfelues et des histoires sans logiques, ces plaines me semblent parfaites…illusoires, même. M’a-t-il transporté dans un autre monde, sans le savoir ?
Rompant ce moment vague et doucereux, la voix du chat s’élève doucement, sans jeu aucun, oubliant peut-être d’être à nouveau mesquin avec moi. Cette reine ? Personne n’en connait d’autre que la Reine sans cœur, par ici : et ce fut bien elle la cause de mes pires cauchemars.

Mais de là-haut, je sais qu’elle ne peut plus m’atteindre. A cette simple idée, j’en souris d’allégresse.

« Oui, il s’agit de cette Reine de Cœur. Elle est détestable, n’est-ce-pas ? »

Au souvenir de ses yeux amers, mon cœur se serre et je me souviens aussi des horribles manières de Miwako. Non, ici, rien ne peut plus m’atteindre : je ne peux être que nostalgique à ce souvenir, non plus triste. En mémoire de notre amour, je chante, je ris, j’oublie le reste : seul ce ciel aux nuances magiques pourra charmer mon cœur, je te le jure.

« Vous connaissez aussi Miwako, n’est-ce-pas ? Sa servante la plus dévouée et la plus cruelle. Je l’appelais Melody, vous savez, car jamais je ne connus personne plus gentille et dévouée qu’elle…douce ironie, n’est-ce-pas ? Ce ciel a la même couleur que ses cheveux de soie. J’en avais presque oublié sa beauté trop parfaite. »

Transportée dans un élan de tendresse, j’attrape la main de l’homme-chat et m’exprime avec la plus grande servitude que je puisse offrir :

« Je vous remercie du fond du cœur de m’avoir fait partager pareille merveille. C’est un présent que je n’oublierai jamais. Merci, Homme aux oreilles de chat. Vous m’avez appris à trouver d’autre beauté que celle de l’amour…et ceci est une chose considérable, soyez en sûr. »

Afin de ne point rendre l’échange ambigu, je relâche sa main et me plonge une nouvelle fois dans la contemplation de ce vaste monde qu’est le ciel. Être humain et souffrir de ce qui nous comble.

Choses improbables. Choses irréelles. Toujours savoir dissocier le faux du vrai.

Attendant bien trop sagement sa réponse, il se contentait de jouer avec sa queue, l'entortillant autour de la branche qui soutenait son poid. Une fourmi foncait droit vers lui. Il la réceptionna sur son doigt, observant la panique montante de l'insecte; il parcourait de plus en plus vite ses doigts, allant dans tout les sens. Spectateur de cette malheureuse ascension, il prenait goût à laisser la petite chose se perdre et accélérer son mouvement. Cette bestiole perdue, devait accomplir une bien grande tâche. Suivre les ordres, encore et toujours, de sa reine. Obéir jusquà sa mort. Exécuter tout et n'importe quoi. Quel mascarade! Elle ne vaut pas mieux que tout ces fous à la solde de ce monstre qui le convoite tant! Et qui d'ailleurs ne l'aura jamais. Dans une colère montante, il attendit que la fourmi vienne d'elle-même se placer sur le bout de son pouce pour l'écraser contre l'écorce de l'arbre. Son destin n'avait rien d'extraordinaire, et autant la tuer pour ne pas qu'elle contribue à la survie de sa reine. C'était ce qui pouvait arriver de mieux imagina-t-il. Réduire en miette ceux qui contribue au mentient de tyran au pouvoir. Et encore, n'est-ce pas une mort trop douce que ne pas les faire souffrir au moment de leur exécution? Sans lui, elle serait morte de fatigue. Voilà qu'il se pensait trop généreux. Et ne nions pas qu'il a surement raison, d'un côté.

Mais voilà que son interlocutrice répond enfin à ses propos. Il ne s'était pas trompé. Elle rajouta même une question aux allures d'affirmation. Détestable n'était pas le mot adéquat pensait-il. Comment dire, de son point de vue, elle était un peu comme la fourmi. Bête et sans autre but dans la vie que de suivre les ordres. Mais il faut rajouter qu'elle était incroyablement folle et méprisante. Et exécuter sans questions aucune les ordres du maître! Mais quelle idiotie sans nom! C'était bien la pire, la pire d'entre tous! Son regard assombrit rivé sur l'horizon, il enfonça ses ongles dans l'écorce et serra les dents, contractant sa machoire. Penser à elle avait le don le mettre hors de lui.
Rompant ses divagations, Elisabeth le questionna. Miwako? Non. Aucune idée. Mais quel résonnement étrange que voici. Elle était la servante -pauvre fille- la plus dévouée et la plus cruelle de cet insecte, mais la plus gentille qu'elle n'ai jamais connue? Et pourquoi la nommer Melody si son nom était Miwako? Et pour rajouter encore plus d'incohérance à ce potrait déjà trop paradoxal, elle avait les cheveux bleu ciel? Quelle bien étrange histoire. Mais cela concordait: c'était donc cette fille, dont elle parlait plus tôt; cette "princesse rose". Hum, interressant. Sa récolte d'informations était loin d'être suffisante pour attenter quoique ce soit contre cet enfant trop de rouge vêtu, mais il n'avait de toute manière pas encore besoin de la rendre folle. Plus tard, soyons patient. Tu pourras jouer plus tard mon doux, mon chèr Cheshire. Il décida, sans raison aucune, de se redresser. Il possèdait des jambes, pourquoi ne pas s'en servir?

Alors qu'il venait de concocter de bien sombres plans à son égard, l'écarlate fit ce que jamais il n'aurait pensé qu'elle ferait. Elle le remercia tout en lui tenant la main. Les yeux brillants de joie, elle débitait des paroles dont il aurait préféré ne jamais entendre le contenu. Lui, avoir aidé une enfant perdue?! S'il n'exerçait pas à présent un contrôle total de son être, son visage ce serait, sans doute aucun, littéralement décomposé. Peut être même avait-il laissé entr'apercevoir quelque chose de la sorte. Elle lâcha rapidement sa main - bien heureusement - et fixa le bleu du ciel. Il fallait rester calme. Voir les choses sous un autre angle. Ne vallait-il pas meiux qu'elle lui fasse confience ou qu'elle lui soit redevable? Si. Complètement. S'il voulait se sortir de ce monde, s'il voulait la sortir de ce monde, sa tendre princesse, il allait devoir la jouer fine. Il allait devoir non plus torturer ces pauvres choses, mais les manipuler de sortes à ce qu'elle lui serve dans son plan contre le maître. Alors autant se faire des alliés. Beaucoup d'alliés. Et cette charmante dame allait être sa toute première vicitime.

L'art de rendre fou quelqu'un de tout à fait sain d'esprit n'est pas à la portée de n'importe qui. Il y a parfois des êtres très coriaces. Mais Chester n'a jamais échoué dans sa tâche, ou plutôt, dans son passe-temps. Mais l'art de manipuler est encore plus difficile. Dorénavent, il se fixait un nouvel objectif. Et c'est avec son plus beau sourire, le plus honnête, le plus radieux, pas le moins du monde hypocrite, qu'il lui rétorqua plein d'amitié:

"Je m'appelle Cheshire. Mais appelle-moi Chester. Je ne connais pas cette Miwako, mais surement était-ce celle qui t'a tant aimé, et qui t'a tant fait souffrir."

Il s'était penché en avant, fixant le visage de son interlocutrice, avec un bel amical - le plus beau qu'il possèdait, pour une meilleure impression - et désireux qu'elle se confie un peu plus à lui, il rajouta:

"Je pense d'elle qu'elle est une bien sotte personne. Pour obéir aux ordres de ce misérable insecte qu'est la reine de coeur."

A coup sûr, cette dernière réplique énerverait la jeune femme, qui, dans un élan de colère, lui révèlerait surement bien des choses...